5 ans après : Anthelme Hauchecorne (Ouvre-toi!)

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je ne suis pas sûr d’être très présentable, mais soit ! L’écriture est un mal incurable, et j’en suis atteint. Je souffre du Syndrome du scaphandrier tel que dépeint par Serge Brussolo, dans l’œuvre du même nom. Je m’assieds devant mon écran, pour plonger dans l’onde claire de la page blanche. Lorsque je refais surface, l’ébauche d’une nouvelle histoire se tient devant moi. Écrire s’apparente à une variante domestique de la spéléologie. Il s’agit de descendre toujours plus profond, sans se perdre dans la noirceur de l’encrier.

 

Comment t’est venue l’envie d’écrire ?

Bébé, mes parents ont confectionné mes langes avec d’anciens numéros de Hara-Kiri et Métal Hurlant. La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, le Professeur Chroron ont bercé mon enfance. Ado, j’ai flâné du côté de Providence avec Lovecraft, j’ai partagé les aventures d’Elric de Melniboné et je suis parti en vacances avec Deuxfleurs sur le Disque-monde.
Pour parler franc, le quotidien m’ennuie. Les conversations banales m’emmerdent et ce n’est que par un prodigieux effort de volonté que je me prête au jeu de ce méli-mélo de problèmes qui n’en sont pas. La Star Ac’, la dernière merde made in M6, honnêtement, qui cela intéresse ? Les gens s’ennuient sans oser se l’avouer, voilà tout !
La liberté, c’est le détachement et le dénuement. Ma liberté, je la recouvre devant mon écran, libre de me projeter où bon me semble.
Après avoir longtemps cherché ma voie, j’ai emprunté celle de l’écriture, depuis 2005.
Je n’envisage pas d’en changer. J’espère seulement vivre assez pour accoucher de toutes les histoires qui me trottent en tête. Déjà, au fond de moi, j’ai l’angoissante conviction qu’une vie n’y suffira pas.

Quel souvenir gardes-tu de ta première collaboration avec Griffe d’Encre ?

Les indénombrables corrections qui parsemaient la première version de mon tapuscrit ! Des notes rouges, de partout, signe que j’étais bon pour des nuits blanches. Là, je pris la pleine mesure de ce que signifiait collaborer avec Griffe d’Encre…

Que Sa Majesté le Chat est un petit mammifère perfectionniste de la queue au museau.

Et que derrière les moustaches, les ronrons et les coussinets, couve un appétit sans bornes pour les boulettes et les coquilles, dont son altesse féline ne fait qu’une bouchée.

 Son altesse vous remercie 😉 Ce que j’aime quand on me vénère ainsi….

Quelle est l’histoire derrière ta nouvelle « Logique d’ensemble » ?

Je commençai par chercher un contexte dans lequel l’ouverture (ou non) d’une certaine chose revêtirait un intérêt crucial pour les personnages, et le lecteur. Les possibilités ne manquaient pas : Boîte de Pandore, Sésame, Cube des Cénobites[1], Plaies du Christ, Porte des Enfers, Trésor de Barbe-Noire, Œil du Cyclope, etc. En comparaison de ce catalogue prestigieux de joujoux légendaires, mon choix s’arrêta sur un objet trivial.
En nylon tout bête. Pesant entre onze et quatorze kilos. Quatre-vingt-cinq, si l’on compte le prototype de Léonard de Vinci. Mon accessoire doit son nom au français Louis-Sébastien Lenormand.
Non, pas le stérilet à mammouth.
Le parachute.
Un objet propre à garantir une certaine tension dramatique.
Et une chute percutante.
Ne me manquait plus que le cadre. J’optai pour la guerre en Irak, cette inutile Busherie, icône fumeuse des guerres menées « au nom des droits de l’homme », et du pétrole… En attendant la sortie du remake avec l’Iran, bientôt sur les écrans de CNN.
Pour me mettre dans l’ambiance, je visionnai des documentaires sur le recrutement des forces armées aux États-Unis12[2], sur les tortures infligées aux détenus irakiens. Je regardais des images d’archives, pour mesurer les dégâts causés par l’aviation américaine. Dingue, l’effet produit par 300 kilos d’acier et d’explosifs (à 300 000 $ pièce, c’est un minimum), largués d’une hauteur permettant de jouir du spectacle. Sans avoir à pâtir ni de la poussière, ni des gravats, ni des cris. Les bâtiments balayés comme des fétus de paille, par les fientes de métal des bombardiers furtifs imbéciles.
« Frappe chirurgicale ». Navrante litote. On n’attend pas d’un neurochirurgien opérant à la tronçonneuse qu’il sauve le patient.
Je tenais mon idée. Ne me restait plus qu’à la mettre en mots, et en musique. Je m’abritai du souffle des explosions derrière mon casque audio. À l’intérieur, nulle autre protection que les lourdes basses de System of a down, et de leur album Hypnotize.
Dans le staccato de mitraillette de mon clavier, je rêvai d’un monde meilleur.
Messieurs Georges Bush et Dick Cheney, marchant main dans la main.
Nus, en première ligne, à l’orée d’un champ de mines made in USA.
Un petit pas pour eux, un grand « Boum ! » pour l’Humanité.

Quelle est ton actualité artistique ?

2012 sera une bonne cuvée, avec deux sorties :

Avril

Baroque ’n’ Roll, Cercueil de Nouvelles / 1, dont les droits seront reversés au Parti Pirate, afin de soutenir la lutte pour le libre accès à la culture.

Un recueil pareil à un méchant cocktail, concocté à partir de fonds de bouteille au pedigree interlope, une mixture qui fleure bon le formol, et le sapin. Un Frankenstein littéraire, assemblé à partir des meilleurs morceaux qui traînaient dans mes tiroirs.

Ceux que même les vers ont délaissés.

Octobre-Novembre

Âmes de verre, premier tome du cycle du Labyrinthe, dont les droits iront aux recherches du Professeur Dollfus pour lutter contre le syndrome Bardet-Biedl. Syndrome dont la mère de l’auteur est atteinte, maladie dégénérescente de la rétine, une admirable saloperie qui entraîne ses victimes dans un monde d’inexorables ténèbres.

Un roman né à l’ombre des légendes urbaines. Deux héros improbables, un enseignant amer et une punk portée sur l’ultraviolence, s’égarent de l’autre côté des Portes de la Perception, sur le versant sombre de la Réalité. Leur don et leur malédiction s’appelle la Vue, sixième sens mystérieux, qui les confronte à des ennemis insoupçonnés. Déjà, les meurtres se succèdent, sacrifices destinés à recomposer la partition d’une musique d’épouvante…

Anthelme


[1] Allusion au roman The Hellbound Heart de Clive Barker, traduit en France sous le titre Hellraiser, en référence à son adaptation cinématographique, et ses nombreuses séquelles… Les amateurs (au rang desquels l’auteur) conviendront que seuls les deux premiers opus de la série ont acquis (sans exagération) le statut de monuments de l’horreur. Leurs pâles suites, en revanche, se sont contentées de ponctionner paresseusement le sang de la vache à hémoglobine, en grosses tiques marketing goulues.

[2] Dans les quartiers difficiles de Chicago, de Détroit ou de Milwaukee, des militaires prospectent les jeunes. À croire que les pauvres font une meilleure chair à canon.

A propos Grifouille

Mascotte de Griffe d'Encre et bombardée grand reporter pour ce blog, j'interviewe tous les bipèdes qui passent à ma portée.
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